Définition milles
Citations
Synonymes
Définition
Milles (Forme de nom commun)
[mil]
- Masculin pluriel de mille.
Informations complémentaires
Le mot milles trouble souvent l’œil, et parfois l’esprit. On croit y lire une faute, on hésite. Il ressemble à mille, mais il y a ce s final, qui semble s’être glissé là sans prévenir. Pourtant, dans certains contextes bien précis, ce pluriel est justifié, voire nécessaire. À condition de savoir de quoi l’on parle. Car milles, au pluriel, n’est pas simplement un nombre multiplié : c’est souvent une unité.
Il arrive qu’on le rencontre dans les domaines maritime ou aérien, où milles est le pluriel du mille marin, cette unité de distance qui ne correspond pas au kilomètre, mais à une ancienne mesure basée sur un angle de la Terre. Un mille nautique équivaut à 1 852 mètres, ce qui fait que mille milles – l’expression fait sourire – représente déjà près de deux millions de mètres. Et là, le s prend tout son sens. Il ne s’agit plus d’un adjectif numéral invariable, mais d’un nom commun pleinement pluriel.
Certains diront que l’orthographe peut prêter à confusion, car en français, mille utilisé comme adjectif – pour dire mille choses, mille raisons, mille ans – reste invariable. Pas de s, même si l’on parle de milliers. Le piège est là : on passe d’un mot invariable à un nom qui suit les règles classiques du pluriel, selon qu’on parle de quantité abstraite ou de mesure concrète.
On peut supposer que cette ambivalence explique pourquoi tant de gens hésitent ou corrigent à tort. Le mot milles est rare à l’écrit courant, réservé à des sphères spécifiques : navigation, aviation, parfois traduction d’un texte anglo-saxon où le mile devient mille, puis milles. Dans un roman, un article de voyage ou un manuel technique, il peut donc surgir, déconcertant au premier regard, mais parfaitement légitime.
Historiquement, les milles marins ont été définis pour faciliter la navigation en mer, chaque unité correspondant à une minute d’arc le long d’un méridien. C’est à la fois précis et symbolique. Une distance conçue pour épouser la courbure du globe. Ce n’est pas rien. Et quand un navigateur parle de milles parcourus, il parle d’un savoir-faire, d’une tradition, d’un vocabulaire hérité d’une époque où la mer dictait sa propre langue.
Le mot peut aussi apparaître dans un registre poétique ou ancien, utilisé de manière volontairement archaïque, comme pour évoquer une époque révolue. On pourrait lire, dans une vieille prose, les milles souffrances du cœur – une erreur grammaticale, certes, mais pas forcément une faute de goût. Le pluriel ajoute ici une intensité, une accumulation, une emphase dramatique qui dépasse les règles.
Mais il faut rester attentif. Hors du cadre des mesures (milles marins, milles terrestres), milles avec un s est presque toujours une erreur. La grammaire française est claire : mille est invariable quand il est adjectif numéral. Mille euros, mille soldats, mille heures. Jamais milles euros. Et c’est peut-être là que réside tout l’intérêt du mot : dans sa capacité à nous piéger, à nous rappeler que le sens détermine la forme.
Alors milles, oui, mais pas n’importe où, ni n’importe comment. Il faut savoir écouter le contexte, sentir si l’on parle de distance ou de nombre, de mer ou de poésie, de rigueur ou de licence. Un simple s, mais un monde de nuances. Voilà ce que cache ce mot discret, à la frontière entre la règle et l’exception.
