Ce mot a pris toute son ampleur après les premiers confinements et la
fermeture des magasins, bars et restaurants à cause de la pandémie Covid 19. Tout le monde attendait la
réouverture des commerces et des activités pour recommencer à revivre ...
Le mot réouverture n’a jamais autant circulé que pendant les mois incertains de la pandémie. Il revenait en boucle dans les journaux, les conversations, les discours politiques. À force d’en parler, il avait presque changé de nature : il ne désignait plus seulement le fait de rouvrir un lieu, mais devenait le symbole d’un retour à la vie normale, d’un espoir commun, d’un compte à rebours collectif. Attendre une réouverture, c’était s’accrocher à une date, à une promesse, à quelque chose de concret quand tout semblait flottant.
Mais la réouverture, en soi, n’est pas un mot récent. Il s’emploie dans de multiples contextes : réouverture d’un dossier judiciaire, d’un chantier abandonné, d’une frontière longtemps fermée, d’une ligne ferroviaire oubliée. Ce qui est fermé un jour peut être rouvert un autre. Le mot contient une tension, un mouvement. Ce n’est pas une nouveauté, c’est un retour. Et dans ce retour, il y a toujours une charge émotionnelle, une attente, parfois même une crainte. Car ce qui a été fermé l’a souvent été pour de bonnes raisons, ou pour de mauvaises, mais jamais sans impact.
On peut supposer que ce qui rend la réouverture si marquante, c’est qu’elle réactive la mémoire de la fermeture. Elle vient combler un manque, réparer un vide. Quand un lieu rouvre, on ne revient pas simplement là où on s’était arrêté. Quelque chose a changé. Les habitudes, les regards, les priorités. Dans certains cas, la réouverture est joyeuse, bruyante, attendue comme une fête. Dans d’autres, elle est plus discrète, presque mélancolique, comme un retour un peu fragile dans un lieu déserté.
Il arrive que le mot soit utilisé à contre-emploi. Certaines réouvertures sont purement symboliques : on rouvre un débat, un dialogue, une ancienne blessure. On ne parle alors plus de portes ni de rideaux métalliques, mais de ce qui recommence à circuler entre des personnes, entre des camps. La réouverture devient une posture, une décision intérieure. Ce n’est pas toujours spectaculaire, mais ça peut être essentiel. Car le mot ne concerne pas que les choses, il touche aussi aux liens.
Certains diront que chaque réouverture marque la fin d’un cycle, mais ce n’est pas toujours aussi clair. Parfois, elle est provisoire, sous conditions, fragile. Les musées ont rouvert, puis refermé. Les écoles aussi. La réouverture devient alors un exercice d’équilibriste, entre prudence et impatience. C’est un mot qui a beaucoup servi ces dernières années, et qui s’est aussi un peu usé. Trop d’annonces, trop de changements, trop de revirements. Le mot, à force, s’est teinté de scepticisme.
On retrouve la réouverture aussi dans les contextes touristiques ou culturels. Un hôtel fermé pour rénovation, un théâtre en sommeil, une bibliothèque municipale oubliée. Le jour de la réouverture, il y a souvent des fleurs, un discours, des souvenirs. Et derrière tout ça, un effort. On ne rouvre pas par magie. Il faut nettoyer, réparer, reconfigurer. Une réouverture, c’est aussi un travail invisible. Une reprise en main du temps, de l’espace, des usages.
Le mot porte également une charge économique forte. Réouverture d’un marché, d’une saison, d’un commerce. Il est souvent synonyme de relance, d’emploi, d’activité. Les gouvernements l’utilisent dans leurs plans comme un marqueur de reprise. Mais la réalité, elle, est souvent plus lente. Un rideau qui se lève ne garantit pas un chiffre d’affaires. Il y a les réouvertures attendues, et celles qui tombent dans l’indifférence. C’est parfois plus dur que la fermeture elle-même.
Enfin, il faut reconnaître que le mot réouverture garde toujours une part d’optimisme. Même dans les cas les plus modestes, il dit que rien n’est figé. Ce qui a été fermé n’est pas condamné à le rester. Il peut y avoir un après. Même si ce n’est pas exactement comme avant. C’est ce qui en fait un mot à la fois simple et chargé, banal dans sa forme mais essentiel dans ce qu’il déclenche. On y projette nos désirs, nos manques, nos élans. Et c’est sans doute pour ça qu’il continue de résonner aussi fort.