Définition ledit

Il y a dans le mot ledit un parfum de papier jauni, de contrat froissé, de langue juridique qu’on ne parle pas mais qu’on lit encore. On l’aperçoit dans les actes notariés, les statuts d’association, les règlements intérieurs. Et toujours avec cette impression étrange : on comprend ce qu’il veut dire sans vraiment l’utiliser. Ledit est un mot discret mais redoutablement précis. Il désigne, il encadre, il verrouille.

Ce mot appartient à un registre soutenu, voire figé. Il remplace un mot déjà mentionné, sans le répéter, mais tout en le désignant avec une autorité un peu froide. "Le contrat et les obligations dudit contrat" devient, plus efficacement : "le contrat et les obligations dudit contrat ou du ledit contrat". Certains sourient en lisant cela, d'autres lèvent les yeux. Pourtant, ledit a sa logique : il clarifie, sans détour.

On pourrait croire que ledit appartient à un autre temps. Ce n’est pas faux. Mais il persiste, avec une régularité presque sournoise, dans des domaines où la clarté formelle est une exigence. Droit, administration, législation : des univers où chaque mot pèse. Là, ledit trouve sa place, comme un vieux meuble encore solide. Il évite la confusion, il encadre, il précise sans émotion.

Le mot semble taillé pour les textes où tout doit être nommé, renommé, resserré. Il n’y a aucune poésie dans ledit, aucune chaleur. On peut même supposer qu’il est volontairement froid, pour éviter les glissements. Ce n’est pas un mot qu’on emploie à l’oral – ou alors pour se moquer un peu du sérieux ambiant. Essayez de glisser "ledit appartement" dans une conversation : il y aura des sourires, ou un silence.

Certains diront que le mot est inutile, qu’il pourrait être remplacé. Oui, sans doute. Mais il tient encore. Il est court, clair, et sa sonorité lui donne une allure un peu impérieuse. Il ne se contente pas de désigner : il rappelle. Ledit n’oublie pas. Il se réfère à quelque chose qui a été dit, mentionné, précisé. Et ce simple retour en arrière, contenu dans trois syllabes, peut suffire à verrouiller un raisonnement.

Ce qui est intéressant avec ledit, c’est qu’il s’insère dans des formulations parfois très longues, mais lui, reste sec, rapide. On pourrait presque dire qu’il tranche. Dans un style où tout s’allonge, s’enrobe, il surgit sans détour. Il y a là une sorte de contraste. Un mot ancien, mais encore efficace. Un peu comme un coup de tampon. C’est dit. C’est ledit.

L’emploi du mot crée une distance. Ce n’est pas "le fameux", ce n’est pas "le précédent", ce n’est même pas "le susmentionné". C’est ledit. Et dans cette économie de moyens, il dit qu’on est sérieux, qu’on ne laisse rien filer. On ne se répète pas : on réaffirme. Ce n’est pas la même chose. Il y a des termes pour le flou. Ledit, lui, se veut précis.

Et même si on ne l’utilise pas dans la vie courante, il reste familier à tous ceux qui lisent, signent, ou contestent. Il se glisse entre deux virgules, parfois entre deux pages. Il n’est pas aimable, il n’est pas vivant, mais il est là. Comme une balise. Une sorte de repère sec dans la langue. On pourrait s’en passer, mais il revient. Toujours.