Définition sphinx

Citations Synonymes Définition
Sphinx (Nom commun)
[sfɛ̃ks]
  • (Mythologie) (Mythologie égyptienne) Monstre ayant une tête humaine et un corps de lion.
  • (Mythologie) (Mythologie grecque) Monstre ayant la tête et les seins d’une femme, le corps d’un lion et les ailes d’un aigle.
  • (Sculpture) Figure qui a une tête et la poitrine d’une femme sur le corps d’un lion. Les sphinx sont représentés couchés sur le ventre, les pattes de devant étendues, et la tête droite.
  • (Par métonymie) (Arts décoratifs) (Ébénisterie) Figure fantastique s'inspirant de l'art égyptien à la mode au XIXème siècle.
  • (Figuré) Personne dissimulée, énigmatique impénétrable et cruelle, souvent membre des sphères de la politique; par allusion au Sphinx de la légende d’Œdipe, qui proposait des énigmes aux passants, lesquels ne pouvant jamais répondre, payaient leur embarras de leur vie.
  • (Figuré) Symbole du mystère, de l'impénétrable. Situation angoissante comme le défilé où le Sphinx de Thèbes (en Grèce) arrêtait les voyageurs pour leur poser des questions mortelles.
  • Personne qui s'amuse à poser des questions compliquées pour embarrasser son interlocuteur. Auteur de grilles de mots croisés, à cause de l'habitude de proposer des définitions en forme d'énigme.
  • (Zootechnie) Variante de sphynx (race de chat).
Sphinx (Nom commun)
[sfɛ̃ks] / Masculin invariable
  • (Zoologie) Un papillon de nuit surtout crépusculaire de la famille des Sphingidés (Sphingidae) qui a le corps gros, les yeux grands et les ailes horizontales, longues et étroites, ornées de couleurs vives et variées.
Sphinx (Adjectif)
[sfɛ̃ks]
  • (Rare) Énigmatique ; incompréhensible.
Informations complémentaires

Le mot sphinx déploie d’emblée une aura de mystère. Il convoque l’énigme, le silence, le regard fixe. Il y a dans ce nom un poids symbolique, une densité culturelle que peu de mots égalent. Dès qu’on l’entend, on pense au visage figé de pierre au milieu du désert, à la bête mythologique qui posait des devinettes mortelles, ou encore à ces figures impassibles que l’on croise dans la peinture ou la psychanalyse. Le sphinx est plus qu’un être hybride : c’est une idée, une posture, une tension entre ce qui est dit et ce qui est tu.

On peut supposer que le mot fascine depuis si longtemps parce qu’il traverse les civilisations sans perdre sa puissance. En Égypte ancienne, le sphinx est une créature protectrice, souvent représentée avec un corps de lion et une tête humaine – parfois pharaonique, parfois divine. Il ne parle pas, il veille. Il ne bouge pas, il domine. Le Grand Sphinx de Gizeh, colossal et mutilé, résiste au temps comme un vestige d’intelligence muette. Il ne pose pas de question, mais c’est lui qui en soulève mille. Que regarde-t-il ? Depuis quand ? Et pourquoi ce demi-sourire sculpté dans le grès ?

Il arrive qu’on confonde ce sphinx égyptien avec le sphinx grec, plus cruel, plus tordu. Dans la mythologie grecque, le sphinx est une créature féminine, à tête de femme, corps de lion et ailes d’oiseau. Elle vit aux abords de Thèbes et pose une énigme aux voyageurs : « Quel est l’animal qui marche à quatre pattes le matin, deux à midi et trois le soir ? » Ceux qui ne répondent pas correctement sont tués. Œdipe, en trouvant la bonne réponse – l’homme –, sauve la ville. Mais au passage, il entre dans une autre tragédie. Car le sphinx ne tue pas seulement, il déclenche. Il ouvre la porte à l’inconnu.

Certains diront que le sphinx, plus que tout autre mythe, incarne la frontière entre savoir et ignorance. Il ne parle que pour voir si l’on comprend. Il ne dit pas ce qu’il veut, il attend. C’est peut-être pour cela qu’on le retrouve dans tant de cultures, réinterprété, transformé, toujours lié à l’idée de l’énigme. Le mot sphinx devient alors un archétype : celui de l’être qui sait mais ne dit rien. On le projette sur des visages fermés, des femmes insondables, des personnages qui observent mais ne réagissent pas.

Dans le langage courant, qualifier quelqu’un de sphinx, c’est dire qu’il ne se laisse pas lire. Qu’il cache ses pensées, qu’il ne montre pas ses cartes. On y sent à la fois de l’admiration et une pointe d’agacement. Le sphinx fascine autant qu’il irrite. Il ne joue pas le jeu de la transparence. Il reste là, opaque, impénétrable. C’est un mot qui s’adresse à notre besoin de contrôle. Et qui y résiste.

Le mot a aussi trouvé sa place en psychanalyse, en littérature, en peinture symboliste. Il figure le féminin dangereux, la tentation de l’inconscient, l’appel du mystère. Gustave Moreau, par exemple, a peint des sphinx à la sensualité trouble, mi-bêtes, mi-déesses, qui se penchent sur des héros perdus. On retrouve cette image dans le Sphinx de Cocteau, dans les allusions subtiles de Freud, dans des poèmes obscurs où le mot devient presque un sortilège. Il n’est plus seulement une créature, mais une métaphore du silence intérieur.

On peut noter que sphinx est aussi un nom d’insecte : le sphinx colibri, ce papillon aux ailes rapides qui butine en vol stationnaire, figure légère et agile, bien loin des colosses de pierre. Le contraste est saisissant. Et pourtant, dans les deux cas, il y a quelque chose de suspendu. Le mouvement figé du regard, ou le vol immobile de l’instant. Comme si, dans tous ses usages, le sphinx évoquait un entre-deux. Ni tout à fait animal, ni tout à fait humain. Ni passé, ni présent. Ni parole, ni mutisme.

Au fond, sphinx est un mot rare mais chargé. Il contient l’idée d’un défi sans menace directe, d’un mystère qu’on ne résout pas toujours. Il agit en silence, par présence. Il ne crie pas, ne frappe pas. Il attend. Et c’est cette attente-là, justement, qui nous remue. Parce que derrière le mot, on devine toujours une question qui ne sera peut-être jamais formulée.